Bois sec bois vert
Par le lièvre • 2 mai, 2008 • Catégorie: Les choix du lièvre •Détails livre
Un délicieux bourgogne, suavement tanin, a la capacité de répandre dans tout le corps, dès les premières gorgées, une euphorique chaleur. Il en va de même des textes de Charles-Albert Cingria, l’homme qui réussit, à la NRF, à mettre d’accord Gide, Paulhan et Claudel : ils avaient trouvé un immense écrivain. De cette possible gloire, lui ne se préoccupait nullement : de digression en digression, à bicyclette, il s’en allait jouer de l’orgue dans les chapelles abandonnées de campagne, parcourir les marges des vieux antiphonaires carolingiens, et savourer le miracle permanent d’être en regardant passer sur un pont aqueduc métallique, au dessus de la Loire, un berger qui est un évêque éthiopien, ou en voyant une figue ouverte aux fourmis, sur une colline romaine, devenir la coupole de Saint-Pierre.
« Il n’y a pas d’odeur à quoi je sois plus sensible qu’une véhémente subite odeur de marais dans les champs, quand le sol se fait mou et que l’herbe se modifie en roseaux et que la faune devient des libellules en toile forte satinée, et qu’une ou deux hautes fleurs qui sont des juliennes grenat font sonner leur immarcescible droit à ce haut genre » : Quiconque ne sent pas, à la lecture de ces quelques lignes, une profonde sereine jubilation l’envahir, doit renoncer aux douceurs de l’ivresse et se résigner à devoir laisser de coté le plus ineffable des prosateurs francophones.
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